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Réseaux sociaux : faire face aux diktats

Photo du rédacteur: David MariauxDavid Mariaux

Combien d’entre nous consultent une dernière fois son compte Instagram avant de s’endormir, et se saisit de son téléphone dès le réveil pour y retrouver de la nouveauté ? Ces habitudes de consommation sont devenues des normes largement partagées dans les sociétés occidentales. La grande majorité des adolescents et des jeunes adultes ont au moins un compte personnel dans un des réseaux sociaux en vogue actuellement. Par leur fonctionnement, ces applications sont très addictives, et souvent entraînent une consommation quotidienne importante. Les experts alertent quant à la dangerosité d’une consommation excessives de ces réseaux, avec principalement des effets psycho-sociaux sur les utilisateurs. Parmi les plus importants, nous retrouvons les troubles du sommeil, la diminution de contacts sociaux, des troubles anxieux et dépressifs mais aussi une perturbation de la perception du corps et des troubles du comportements alimentaires de type anorexie ou boulimie. Dans cet article, j’essaierai de dresser un tableau général des principaux problèmes et conséquences de l’utilisation des réseaux sociaux sur la santé mentale, l’image corporelle et l’estime de soi.


Ainsi, chacun de nous doit prêter attention à ses propres habitudes de consommation d’écran et d’applications sur téléphone. Actuellement, la plupart des smartphones propose une possibilité de contrôle du temps d’écran, ou a minima un récapitulatif de l’utilisation quotidienne et hebdomadaire. Ces fonctionnalités sont de bons moyens de déceler si notre consommation est abusive ou contrôlée.


Des critères de beauté tyranniques

Alors que les critères de beauté varient selon les cultures, les facteurs sociaux et historiques, il semblerait qu’avec l’essor d’internet et des différentes plateformes menant à une hyperconnectivité à travers le monde entier, une certaine forme de beauté semble être acceptée de manière unanime. En résumé, les femmes sont encouragées à être minces avec des formes généreuses, tandis que les hommes sont poussés à avoir une musculature importante (Ourari & Madi, 2023).


Via les réseaux sociaux, les jeunes sont très fréquemment exposés à des images idéalisées de corps parfaits. Nous assistons alors à une augmentation des complexes et des insatisfactions physiques chez les utilisateurs des réseaux sociaux, qui par effet de comparaison à ces images, se trouvent inesthétiques. Le problème est que ces critères de beauté, uniformisés et tyranniques, sont souvent inatteignables, les photos étant très souvent modifiées par des filtres, améliorées ou retouchées par le biais de logiciels.


Perception du corps et santé mentale

Dès le moment où l’on cherche à correspondre aux critères de beauté véhiculés sur les réseaux sociaux, le sentiment d’insuffisance peut se développer, avec une impression d’être en dehors des normes de beauté. Ce processus favorise largement la dépréciation de soi et augmente l’utilisation de filtres, la pratique de différentes formes de régimes, ou de manière extrême, mène à la chirurgie esthétique dans le but de palier aux défauts physiques perçus.


L’utilisation des filtres fait désormais partie intégrante de la vie des jeunes et moins jeunes. Un simple glissement de doigt permet de voir une forme améliorée de soi, qui suit les canons de beauté actuels. Alors qu’auparavant la tendance était de ressembler à une idole, les jeunes d’aujourd’hui souhaitent atteindre une forme améliorée d’eux-mêmes, perçue à travers les filtres. Cette quête, inaccessible et guidée par l’exposition aux images de corps parfaits véhiculées sur les réseaux sociaux favorise le mal-être, la comparaison sociale et l’insatisfaction du corps.


Michael Stora, psychologue et psychanalyste, estime que « les réseaux sociaux contribuent à alimenter une addiction pour la médecine esthétique chez les jeunes ». De plus en plus de jeunes se présenteraient chez des chirurgiens esthétiques avec des photos d’eux, comportant des filtres, et indiquant vouloir ressembler à cette image améliorée d’eux-mêmes. Actuellement, la plupart des cabinets de chirurgie esthétique enregistre une augmentation de la demande chez les moins de 35 ans. Ces chiffres témoignent de la préoccupation actuelle de l’image corporelle chez les jeunes.


Pourtant, toujours selon Michael Stora dans une interview parue dans le journal « Le Monde », la demande d’intervention chirurgicale ne serait bien souvent qu’appliquer un pansement sur une plaie béante. Il soutient par là qu’il existe des soubassements de souffrances psychologiques, qui s’expriment sous forme d’obsession sur une partie du corps (dysmorphophobie) jugée comme étant inesthétique, disgracieuse. L’intervention chirurgicale permet le soulagement d’une partie de la souffrance, mais bien souvent entraîne une autre chirurgie, car l’obsession s’est déplacée sur une autre partie du corps. L’auteur suggère alors une évaluation psychologique avant l’intervention, dans le but d’éviter d’agir sur la partie émergée de l’iceberg, qui masque une souffrance bien plus profonde (Stora, 2022).


Dans une étude cherchant à mesurer l’impact d’Instagram sur la santé mentale d’étudiants, il a été découvert que la plupart des individus cherchent à montrer la meilleure version d’eux-mêmes, en modifiant les meilleurs selfies qu’ils ont pu prendre. Ce comportement a été observé chez les étudiants qui cherchaient une acceptation de la part des paires, avec l’idée qu’un nombre élevé de « like » était associé à une validation sociale et popularité (Moreton & Greenfield, 2022). Dans le même sens, une étude Australienne a démontré que l’exposition aux images du « corps idéal », via la plateforme Instagram, provoque une insatisfaction du corps et du visage plus importante chez les adolescentes. De plus, l’importance donnée aux likes reçus est associée à une plus forte comparaison sociale et insatisfaction de l’image corporelle (Tiggemann, Hayden, Brown, & Veldhuis, 2018).


Une équipe de chercheurs a démontré, dans le cadre d’une méta-analyse, une association claire entre une appréciation négative du corps et la dépression ainsi que l’anxiété, mais aussi avec les troubles du comportement alimentaire. Par contre une évaluation positive du corps était associée à une bonne estime de soi et au bien être psychologique (Linardon, McClure, Tylka, & Fuller-Tyszkiewicz, 2022).


Conclusion

Cet article n’est pas un procès à l’utilisation des différentes plateformes existantes mais a pour objectif de sensibiliser aux liens qui existent entre l’utilisation des réseaux sociaux et la santé psychique.


Les recommandations pour une utilisation plus saine des réseaux sociaux sont les suivantes : une utilisation consciente et critique envers ce qui nous y est montré, limiter le temps d’écran et le surveiller, être conscients des filtres utilisés et des retouches sur les photos et vidéos ainsi que développer des activités hors réseaux sociaux. Un arrêt total de la consommation paraît utopique, mais ajouter une forme de conscience face à ce que nous voyons peut mener à une consommation plus réfléchie et contrôlée de ces réseaux.


Pour faire face au malaise créé par l’observation d’image de corps parfaits, le bodypositivisme semble être un mouvement intéressant mais qui ne fait pas le poids face à la lourdeur et la puissance des diktats de beauté, véhiculés et largement plus présents sur les réseaux sociaux. Il est alors nécessaire de promouvoir l’acceptation de soi, d’accueillir la diversité des corps et les caractéristiques de chacun, mais aussi les imperfections qui font finalement la beauté du corps humain.


Actualité

En France, le ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire a annoncé récemment de mettre un place un cadre strict autour du travail d’influenceur et des réseaux sociaux. Il a notamment défini sur le plan juridique le métier d’influenceur. Aussi, il précise « afin d’éviter des effets psychologiques destructeurs », principalement sur les plus jeunes, que les influenceurs devront indiquer obligatoirement l’usage de filtre modifiant l’apparence, dans leur contenu à caractère commercial. De plus, toute promotion de chirurgie esthétique sera prohibée sur les réseaux sociaux. Cette réglementation permettrait entre autres au consommateur d’identifier rapidement l’utilisation de filtres modifiant l’aspect physique, et de ce fait lever le voile sur l’apparence arrangée du créateur de contenu.


Références

Linardon, J., McClure, Z., Tylka, T. L., & Fuller-Tyszkiewicz, M. (2022). Body appreciation and its psychological correlates: A systematic review and meta-analysis. Body Image, 42, 287–296.


Moreton, L., & Greenfield, S. (2022). University students’ views on the impact of Instagram on mental wellbeing: A qualitative study. BMC Psychology, 10(1), 45.


Ourari, K., & Madi, A. (2023). Réseaux sociaux et perception du corps chez les adolescents. Revue Santé Mentale et Neurosciences, 4(8), 10–20. ASJP.


Stora, M. (2022, May 3). « A force de se regarder au travers de filtres photos, le moindre défaut physique devient une obsession ». Le Monde.fr. Retrieved March 27, 2023, from https://www.lemonde.fr/campus/article/2022/05/03/a-force-de-se-regarder-au-travers-de-filtres-photos-le-moindre-defaut-physique-devient-une-obsession_6124534_4401467.html


Tiggemann, M., Hayden, S., Brown, Z., & Veldhuis, J. (2018). The effect of Instagram “likes” on women’s social comparison and body dissatisfaction. Body Image, 26, 90–97.

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