Ne nous est-il pas à tous déjà arrivé de tirer des conclusions hâtives et erronées à la suite d’une interaction avec une autre personne, qu’elle soit positive ou négative ? Ce type de situation se présente quotidiennement et fait émerger toutes sortes d’émotions, de croyances et de pensées en rapport à la relation entre soi et l’autre. La manière de réagir est propre à chacun, sur la base de ses expériences personnelles, et dépend essentiellement des capacités à mentaliser.
De manière simplifiée, la mentalisation est la capacité à reconnaître ses propres états mentaux, émotions, besoins, croyances et motivations et également l’identification de ceux d’autrui. Le développement de ces aptitudes apporte plusieurs bénéfices tels qu’une meilleure gestion des émotions, une meilleure capacité à exprimer son ressenti, la construction et l’entretien de relations plus stables et plus saines ainsi qu’un ajustement de son attitude face à autrui, dans le but de communiquer.
Le concept de la mentalisation est à ne surtout pas confondre avec le mentalisme, qui est une discipline de spectacle mettant en œuvre principalement l’illusion et la suggestion. Dans la mentalisation, nous sommes bien loin d’une tentative de deviner ce qui se passe dans la tête d’autrui, mais davantage dans une co-construction active entre le patient et le thérapeute, sur la base d’une situation précise. Il s’agit d’un cheminement structuré qui cherche à faire émerger les pensées et les émotions liées à une situation, tout en restant ancré dans le moment présent. Cette expérience favorise les capacités de mentalisation en décentrant l’attention de soi et en portant la réflexion sur autrui, en donnant davantage de place aux ressentis émotionnels et se détachant des certitudes pour laisser la place aux perspectives alternatives. Dans le processus de mentalisation, il est primordial de prendre conscience que nos ressentis nous concernent nous-même, de manière subjective et intime.
Nous mentalisons tous au quotidien, et ce la plupart du temps de manière automatique. Travailler de manière consciente sur ces compétences ramène l'individu à sa part de subjectivité dans les raisonnements qui sont parfois incontrôlés. Les thérapies basées sur la mentalisation mènent à une gestion améliorée des émotions et à une capacité d’auto-observation plus précise en rajoutant une part de conscience dans les processus automatiques de la mentalisation. Attention, nos capacités de mentalisation sont mises à mal par l’état d’activation émotionnelle. Du moment que nous sommes pris par de fortes émotions (par exemple : colère, dégoût, tristesse), nous mentalisons beaucoup moins bien.
Mentaliser est la capacité à « se voir de l’extérieur et voir l’autre de l’intérieur » selon une définition proposée par Martin Debbané dans son livre sur la mentalisation paru en 2016. Elle permet de percevoir la mentalisation comme un processus continu qui engage la personne à réfléchir à la relation humaine. Une régulation adéquate de soi dans un contexte interpersonnel passe par une observation de ses propres états mentaux et une compréhension de ce qui se joue dans son propre espace psychique, au moment d’une interaction. Cette observation de soi-même « de l’extérieur », comme un observateur de la situation, est également utile dans la compréhension « de l’intérieur » de l’autre, dans le but de percevoir au mieux son intentionnalité. Ces deux expériences sont indissociables, s’auto-alimentent et renseignent l’une et l’autre sur les enjeux relationnels.
Selon le parcours de vie, la qualité des relations précoces en tant qu’enfant, chaque être humain a des capacités de mentalisation plus ou moins développées. Toutefois, je précise que nous sommes dotés d’un cerveau capable de s’adapter et d’apprendre, grâce à la plasticité neuronale. Il n’est donc jamais trop tard pour entraîner ou développer ses propres capacités de mentalisation !
Référence
Debbané, M. (2016). Mentaliser: De la théorie à la pratique clinique. De Boeck Superieur.
Super blog
Très intéressant, merci